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L’Office fédéral de la sécurité alimentaire publie tous les dix ans une étude nationale sur l’alimentation des nourrissons.
La dernière en date est parue en novembre et montre une hausse de l’allaitement : il se pratique plus facilement et plus longtemps. Valérie Favre nous explique cette étude plus en détails.
Reste plus qu’à se donner rendez-vous dans dix ans pour voir si la situation des parents s’améliorera encore. En attendant, les mères ou les parents qui souhaitent des informations ou trouver une réunion de soutien à l’allaitement peuvent se rendre sur le site internet de La Leche League suisse.
A savoir que l’OMS explique que l’allaitement maternel est l’un des moyens les plus efficaces de préserver la santé et d’assurer la survie de l’enfant, mais que chaque mère est libre de son choix.
Voici les réponses des spécialistes à l'HRC:
- Julie Caron, sage-femme hospitalière à l’HRC et à domicile, actuellement en formation de consultante en lactation ;
- Réjane Geinoz, sage-femme hospitalière à l’HRC et à domicile, ainsi que consultante en lactation.
- Est-ce que vous constatez sur le terrain une hausse de l’allaitement ?
Actuellement, nous n’avons pas de statistiques concernant l’allaitement à l’HRC. En revanche, nous constatons que la grande majorité des mamans souhaite allaiter. Nous ne constatons pas forcément une hausse de l’allaitement, mais celui-ci reste stable.
Nous pensons que, depuis quelques années, il y a une prise en charge plus ciblée des troubles de la succion chez le nouveau-né et que, de ce fait, il y a possiblement moins d’arrêts précoces de l’allaitement.
- Est-ce que la question est posée lors de chaque accouchement, ou c’est à la mère de préciser si elle ne souhaite pas allaiter ?
Un peu des deux, mais nous posons en général la question lors des entretiens prénataux : quel sera le mode d’alimentation que les parents choisissent pour leur enfant, le but étant de les accompagner au mieux et bien sûr sans jugement
Surtout si la maman ne désire pas allaiter, il est important que cela soit noté dans le dossier afin de ne pas lui reposer plusieurs fois la question (auquel cas elle pourrait se sentir jugée).
Ces questions sont souvent déjà abordées lors des cours de préparation à la naissance et certainement avec leur sage-femme, qui les suivra à domicile en post-partum.
Si la maman souhaite allaiter, nous essayons, dans la mesure du possible, de privilégier des mises au sein rapides après la naissance, idéalement lors du premier contact peau à peau. Ensuite, tout au long de leur séjour, une grande partie de notre travail consiste à les accompagner dans le démarrage de leur allaitement.
Nous les accompagnons dans ce sens, tout en respectant le choix de chaque famille concernant le mode d’alimentation, que ce soit l’allaitement maternel ou l’alimentation au biberon.
- L’étude montre que le travail est encore un frein à l’allaitement, que faudrait-il faire de plus ? De la sensibilisation dans le monde du travail ?
Oui, la reprise du travail, et surtout l’organisation et le stress qui l’accompagnent, sont pour certaines femmes un frein à l’allaitement après 4 mois. Cela est souvent en lien avec les mesures mises à disposition sur le lieu de travail (horaires adaptés, salle adéquate mise ou non à disposition — qui ne soit pas uniquement les WC —, frigo pour stocker le lait).
Certaines mamans se sentent également mal à l’aise de mettre leur lait tiré dans le frigo du personnel. Il peut aussi y avoir des jugements malencontreux ou des remarques de collègues.
La reprise du travail nécessite une grande énergie (tirer son lait, stocker son lait, etc.). Parfois, la charge mentale élevée, la fatigue, le stress et le changement de rythme peuvent également diminuer la lactation. Le début de la diversification alimentaire peut aussi se combiner à ces facteurs et conduire à un arrêt progressif de l’allaitement.
Quoi faire ?
➔ C’est pour cela que les mamans ont besoin du soutien du co-parent et de l’entourage proche
➔ Soutien de professionnels formés (sage-femme à domicile, consultante en lactation)
➔ Motivation personnelle de la maman (qui sera plus forte si elle est bien renseignée, soutenue et comprise dans sa démarche)
➔ Sensibilisation auprès des employeurs afin qu’ils respectent la loi
➔ Cf. : Loi sur le travail et l’allaitement
➔ Augmentation du temps de congé maternité
- L’allaitement après six mois est encore rare, alors que l’OMS recommande jusqu’à deux ans. Manque-t-on encore d’informations en Suisse à ce sujet ?
Effectivement, nous pensons qu’un bon nombre de mamans et de familles ne connaissent pas la recommandation de l’OMS d’un allaitement jusqu’à deux ans. Pour elles, il est donc déjà très bien d’allaiter jusqu’à la diversification alimentaire.
➔ Oui, il pourrait y avoir davantage de promotion concernant les bienfaits de cette recommandation de l’OMS.
Ces recommandations étant mondiales, elles permettent à l’OMS de promouvoir la santé des enfants à travers le monde, non seulement grâce aux bienfaits de l’allaitement, mais aussi pour prévenir les risques liés à la préparation des biberons, notamment en cas de difficultés d’accès à l’eau potable et de contraintes économiques présentes pour de nombreuses familles.
- Est-ce encore tabou d’allaiter après six ou neuf mois ? Que faudrait-il faire de plus ?
Oui, nous pensons que plus l’enfant grandit, plus l’allaitement peut devenir tabou. L’allaitement à long terme n’est pas la norme en Suisse ; il existe encore beaucoup de préjugés, souvent une pression de l’entourage, de l’employeur et parfois même de professionnels de la santé.
- Lié également à la méconnaissance des recommandations de l’OMS
• Lié aux représentations de l’allaitement dans les différentes cultures (dans certains pays, il n’y a pas du tout ce tabou et l’allaitement au long cours est la norme)
• La maman se sent souvent isolée
Quoi faire ?
➔ Informer les couples sur les bienfaits de l’allaitement et sur les recommandations de l’OMS, et questionner dès le prénatal le projet d’allaitement ou non
➔ Évaluer les ressources de la maman (soutien du co-parent, de l’entourage proche, réseau de professionnels formés, pairs — mamans vivant les mêmes expériences)
➔ Déconstruire les fausses représentations
➔ Soutien renforcé de la maman en validant ses ressentis et en soutenant sa motivation
Ne pas oublier que l’assurance de base rembourse entre 10 et 16 visites d’une sage-femme à domicile durant les 56 jours post-partum, puis rembourse également 3 consultations d’allaitement.
À l’HRC, nous conseillons aux mamans de se référer dans un premier temps à leur sage-femme à domicile, puis, si celle-ci n’est plus disponible, nous pouvons proposer des consultations d’allaitement.
Le plus important est de respecter le choix de chacun : c’est un sujet qui doit être abordé avec beaucoup de tolérance, que ce soit pour les mamans qui ne choisissent pas d’allaiter ou pour celles qui choisissent de le faire longtemps. Il est essentiel d’éviter les jugements et la pression sur les mamans (attention à la dépression post-partum).










































